Un professeur de lettres, Victor Lambert, raconte à son fils en janvier 1941 devant Westminster son histoire personnelle avec son auteur fétiche, Rudyard Kipling, rencontré par hasard en mars 1914. Lambert souhaite connaître l’homme derrière l’écrivain et lui soumettre la plus fidèle traduction possible du poème If, qui l’obsède de nombreuses années. Il se rapproche aussi du fils de l’écrivain adulé avant le départ pour la guerre et le décès de celui-ci dans le Nord de la France en 1916.
Par l’intermédiaire de Lambert, P. Assouline nous raconte la douleur silencieuse d’un père, Kipling, rongé par la culpabilité d’avoir entraîné son fils vers les armes, l’obscurité qui l’atteint lui, son œuvre et son idéal. Il nous peint un homme hors du commun, entier, individualiste, exigeant, engagé dans la vie de son temps et de son pays, aux convictions affirmées (conservateur, défenseur de l’Empire britannique, francophile absolu, germanophobe sans concession, antisémite notoire), fuyant la célébrité.
Le sens du devoir, l’honneur, le don d’un fils sont les thèmes majeurs. La guerre, l’horreur de l’avant et l’attente mortifère de l’arrière et surtout le deuil d’un fils et d’une génération sans dépouille sont bien décrits et racontés. C’est enfin un beau plaidoyer sur l’acte d’écrire et de traduire, la musique des mots, et à ce qu’un texte dit de nous, ici If, si prémonitoire…